Considérée comme l'une des plus belles places de Lyon au même titre que la place des Terreaux, la place des Jacobins fut marquée par une histoire riche en rebondissements.

Histoire de la Place des Jacobins

La place des Jacobins s'étend de la rue du Président-Edouard-Herriot à la rue Emile Zola. Sa forme rectangulaire et la fontaine qui l'orne datent des opérations de Vaïsse, de même que son nom. Auparavant, la place, plus petite et de forme triangulaire, s'appelait Confort, pour les mêmes raisons que la rue de ce nom. Au Moyen-Âge l'Eglise prend un grand essor dans la ville : quatre grands ordres religieux s'établissent à Lyon, dont celui des Frères Prêcheurs ou Jacobins, vers 1235. Leur église avec cloître est bâtie à la suite de la chapelle de Confort.

Un pape élu à Lyon...

Dans ce couvent aura lieu l'élection de Jacques Duèze ou D'Euze, né à Cahors et évêque d'Avignon qui devient le Pape Jean XXII le 7 août 1316. Après l'élection du pape Jean XXII dans le couvent des Jacobins, son couronnement a lieu dans la cathédrale de Saint-Jean. C'est lui qui transfère définitivement la cour papale en Avignon.

En 1556, l'emplacement situé au nord de l'église du couvent des Jacobins devient place publique. Aujourd'hui cette place a 446 ans, et en moins d'un demi-millénaire, elle a connu neuf visages différents !

Place Confort

Au tout début, la place est un emplacement de forme triangulaire, entouré de murs. Elle donne déjà sur la rue Mercière, et est le lieu de passage obligatoire pour quiconque va de France en Italie en passant par Lyon. C'est ce transit incessant qui a donné au quartier sa vocation commerciale. La place des Jacobins s'appelle alors la place Confort, du nom d'une petite chapelle dédiée à Notre-Dame de Confort. Elle est ornée en tout et pour tout d'une croix de cimetière et d'un puits… très sobre.

Au XVIIème siècle, elle se met au goût du jour en prenant un visage très baroque et italianisant. Elle est libérée des murs qui la cernent. En 1604, on inaugure l'obélisque pyramidal de Philippe Lalyame, monument dédié a Henri IV. C'est une période très symbolique de la place, surtout durant ces années de Contre-Réforme. En effet, sa forme triangulaire reprise par la pyramide symbolise la Trinité, conformément à la théologie catholique. On dit même que le nom de Dieu était gravé en 24 langues sur le monument… Peu à peu le décor de la place s'étoffe. Le puits est reconstruit en 1614 aux frais de Horace Cardon, un habitant de la place. L'architecte Le Pautre fait achever en 1674 le portail latéral de l'église des Jacobins, un réel chef d'œuvre. Nous voilà donc avec une place non ordonnancée et vouée par son décor à l'Eglise et à Dieu.

Au XVIIIème siècle, la place adopte un look plus " rocaille ". On reconstruit en 1740 la pyramide qui tombe en ruine, plus élevée, avec plus d'ornements (une croix dorée par exemple), entourée d'une grille de fer très travaillée et augmentée d'une nouvelle inscription la dédiant à Louis XV. Par ailleurs le puits est perdu de réputation : il n'est plus suffisant, et rend la place dangereuse et mal famée. L'ingénieur Antoine Michel Perrache érige donc une fontaine à sa place en 1760, à la demande des riverains : un piédestal à consoles renversées, un personnage féminin qui semble accueillir un enfant de ses bras ouverts, voilà tout ce que l'on sait de cette fontaine. En effet, elle n'a pas eu le temps de rester gravée dans les mémoires …

La Révolution française renverse l'Ancien Régime. Ce faisant, elle renverse aussi de nombreux bâtiments, dont la place Confort. Le passage de l'Histoire n'a rien laissé : église, pyramide, fontaine, tout a disparu. Jusqu'en 1856, la place périt à petit feu. C'est le son grinçant de son seul décor, une pompe, qui sonne sinistrement son glas …

Place de la Préfecture

La préfecture du Rhône s'installe au début du XIXème siècle dans les bâtiments désaffectés du couvent, et la place prend le nom de place de la Préfecture. En 1843, un tapissier du quartier lègue sa fortune à la ville. Louis Danton s'est prononcé, il y aura une fontaine sur cette place : " Ayant demeuré longtemps sur la place de la Préfecture j'ai remarqué qu'il manquait à cette place une fontaine monumentale. Mon désir serait que ce que je laisse serve à l'élévation de cette fontaine. "

Aussitôt dit, aussitôt fait … Une nouvelle fontaine est posée en 1856 sur la place. Dessinée par Liénard, fondue par Barbezat, c'est l'un des premiers produits de l'art de la fonte industrielle de série à Lyon, avec les fontaines de la place de la Croix-Rousse (1854), de la place des Terreaux (1856) et de la place des Célestins (1858). Mais les quatre enfants ailés et agenouillés qui ornaient la fontaine ne se sont pas éternisés sur la place. La fontaine, démontée à peine dix ans plus tard, fut remontée en 1881, place de la Pyramide à Vaise.

Place de l'Impératrice

Par ailleurs la place change elle-même de visage. En 1857, l'ouverture de la rue de l'Impératrice entraîne l'élargissement de la place au Nord-Est et sa rectification : elle a pratiquement la forme d'un rectangle maintenant. Son nom change aussi puisqu'elle est devenue la place de l'Impératrice.

Elle apparaît alors toute choisie pour ériger un monument commémoratif au préfet-maire Claudius-Vaïsse. De plus, les fonds de la succession Danton ne sont pas encore épuisés. Ce monument est conçu par Desjardins : un terre-plein circulaire environné d'une balustrade de pierre à laquelle sont adossées quatre fontaines ornées des statues des Saisons. Hautes de 1m53, elles sont respectivement exécutées par Fabisch (Le Printemps, L'été), Roubaud & Pagny (l'Automne) et Roubaud Jeune (l'Hiver). Celles-ci sont aujourd'hui dans des niches en face de l'orangerie du parc de la Tête d'Or. Inauguré inachevé en 1868, le monument n'accueillera jamais la statue de Vaïsse crée par G. Bonnet et fondue en 1868. Dissimulée lors de la chute de l'Empire en 1870, elle sera refondue en 1870 pour être transformée en … robinets … Glorieuse fin pour un personnage trop impopulaire et dont le monument n'a jamais été accepté. Le cercle des fontaines est démonté.

Aujourd'hui ...

Et pour finir, le visage actuel de la place reflète enfin celui de la République. Il présente les effigies de quatre artistes célèbres que Lyon a vu naître et dont la gloire a rayonné sur l'art français. La nouvelle place des Jacobins naît d'un concours ouvert en 1877. Sont retenus le projet de Gaspard André, les modèles de statues créés par Degeorges et réalisés par Busque. La conception des quatre sirènes est confiée à Delaplanche. Deux modeleurs, Campagne et Lavigne, sont chargés de l'ornementation. La réception générale des travaux a lieu le 20 décembre 1881.

La place est également un grand lieu de manifestation lors des célébrations de la Fête des Lumières en décembre.

Notre place des Jacobins saura-t-elle s'en tenir à sa dernière apparence ?